Jean-Guillaume Mathieu, de Saint-Etienne-lès-Remiremont, a décroché le titre de champion d’Europe de pêche à la mouche, à l’issue des championnats d’Europe, disputés au Montenegro du 1er au 7 juillet 2019. Par équipes, les Français terminent à la cinquième place, à six points de la médaille de bronze.
Un texte de Bertrand Jacquemin.
Retour sur un championnat d’Europe
Il y a des victoires qui font plaisir à voir. Celle de Jean-Guillaume Mathieu en fait partie. Pourquoi ? C’est la victoire d’un pêcheur complet qui sait aussi prendre un poisson à vue, en nymphe, en sèche, au stream… Bref pas un pêcheur uniforme qui pêche au toc avec des nymphes sans soie !
Voilà pourquoi, au-delà de la proximité géographique dans l’Est de la France, cette victoire m’apporte un vrai rayon de fraîcheur ! Des esprits chagrins pourront dire qu’il a eu un bon tirage, que la chance compte beaucoup… On oublie vite que dans un lac, il n’y a pas de poste et que c’est souvent dans ces endroits que se perde ou se gagne un championnat international. En gagnant la manche du lac, il s’est offert une voie royale pour la dernière manche : Bravo !
En ce qui concerne l’équipe, je ne suis pas surpris de la 10ème place de François D. car il est lui aussi un pêcheur complet, capable de prendre un ombre à vue à 20 m, de pêcher en noyées d’une façon experte (j’ai beaucoup appris en le regardant alors que je le contrôlais), de balayer les bordures en sèche, etc…
Une 5ème place pour une équipe emmenée par deux novices de l’encadrement (Stéphane et Laurent) et bien je trouve que ce n’est pas si mal et je pense qu’ils ont du avoir leurs lots de stress. Je suis triste pour Jordan qui en plus d’avoir un tirage très moyen a vraiment dû faire face à l’adversité. Pas facile dans ces conditions d’avoir un classement à la hauteur de son talent. Il faudra revenir.
Pour l’ensemble je trouve que cette pêche que je qualifie de Toc nymphe est beaucoup trop réductrice pour obtenir de bons résultats régulièrement dans un championnat. Les Tchèques savent bien que seuls les pêcheurs complets peuvent presque toujours tirer leur épingle du jeu. Antonin P., que je connais bien, en fait partie. Concernant la pêche avec des oies de 0 et des bas de ligne de deux cannes, lorsque je regarde les photos des compétiteurs en train de la pratiquer, il faut avouer que l’on est à la fois très loin de la pêche à la mouche et très près de la pêche au toc.
C’est quoi la pêche à la mouche ?
Je repars pour cela 35 ans en arrière sur les bords de la Loue, j’étais à l’époque un pêcheur adroit en eaux rapides grâce à la Vologne où j’avais débuté, mais très novice dans les autres profils de rivières. La discussion allait bon train ce soir là entre des « sommités » de la mouche : Patrick, Michel, Jean Jacques…
Je me souviens d’une phrase qui avait coupé court à la discussion : « la pêche à la mouche se différencie de toutes les autres pêches car à la mouche c’est le poids du fil (la soie) qui propulse le leurre (la mouche) ».
La pêche à la mouche se définissait donc par une façon de lancer…, une gestuelle..
C’est vrai qu’en y réfléchissant cela convenait à tout le monde.
Aujourd’hui, que reste-t-il de cela ?
Que ce soit la pêche en nymphe lourde ou la pêche que je qualifierais d’ « espagnole » on est très éloigné de la pêche à la mouche et de sa définition.
On pourrait aujourd’hui voir des moucheurs utiliser des cannes au toc ou des cannes anglaises dans les compétitions sans pouvoir les interdire.
Cette technique est sur certains profils de rivière sans rivale… Evidemment si on la pratique de manière experte… La soie ne sert plus à rien, le moulinet mouche est encombrant, et la canne n’est plus un fouet puisque qu’il est impossible de fouetter avec… Jean Marc me disait l’autre fois : « c’est un peu comme si au golf on autorisait le bazooka pour envoyer la balle.. » j’ai trouvé la comparaison excellente.
Comment en est-on arrivé là ?
Quand je dis là c’est : la soie qui ne sert à rien, le moulinet mouche que l’on bidouille alors que l’on ferait mieux d’acheter un moulinet toc plus adapté et la canne avec laquelle on ne peut plus fouetter… un comble.
La première dérive a été la pêche à la roulette…. Et la suite a été la pêche au toc revisitée par les Espagnols (technique que j’avais déjà vu pratiquer en … 1989 sur la Loue et qui faisait des ravages : canne anglaise, moulinet toc, fil 12/100 et nymphes artificielles , le tout suspendu par un petit toulousain très discret (il n’y avait pas de fil fluo à l’époque).
La FIPS a fermé les yeux en autorisant ces techniques dans les championnats internationaux, obligeant par la même tous les compétiteurs de tous les pays à la pratiquer pour ne pas être à la rue dans les compétitions.
Il n’empêche que lorsque que je regarde un pêcheur pratiquer cette technique, je vois un pêcheur au toc mais certainement pas un pêcheur à la mouche…
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